Savez-vous planter… les poèmes ?

Le papillon de Lamartine métamorphosé en coquelicots ou l’albatros de Baudelaire en myosotis, voici la merveilleuse trouvaille de Virginie Symaniec, éditrice de la maison d’édition Le ver à soie. Poètes classiques et contemporains se côtoient dans cette collection de Poèmes à planter où le mot devient littéralement graine. 

Semer, semer de petites pierres de rêverie, de réflexion ou d’émotion au coeur du lecteur. La poésie, n’est-ce pas cela ? Les livres-poèmes à planter du Ver à soie nous invitent à libérer le poème de la page afin de lui restituer sa fonction première : l’oralité.

Un rituel est en effet proposé par l’éditrice, afin que la mue des mots en fleurs se passe dans les règles de l’art du jardin et du lyrisme.

1/ Apprenez par coeur votre poème
2/ Posez-le sur de la terre ou dans un pot
3/ Recouvrez-le d’une fine couche de terre
4/ Arrosez tous les jours en récitant
5/ Des pousses de mots apparaissent
6/ Vos maux se muent en fleurs.

Et tandis que l’enfant s’est approprié chaque mot du poème, ce dernier revit par deux fois : sur sa bouche et dans la lumière du jardin. L’objet matériel (feuilles de papier mûrier et de papiers de soie ), patiemment assemblé à la main par Virginie, est, dès sa création, voué à la disparition, seule restera en effet dans la bibliothèque la couverture en Rives tradition.  

N’est-ce pas délicieusement poétique ? Le  papier à ensemencer fabriqué à partir de graines de coquelicots, de myosotis, de carottes, de mélisse ou de salades variées s’est mué en herbes, en tiges, en fleurs colorées. Mais le poème lui a pris toute sa valeur sémantique dans le coeur de l’enfant.

Et puis il y a cette question qui nous tenaille quand on tient le livre dans la main : alors, planter le poème, ou pas ? Nous voici aussitôt questionnés dans notre rapport à l'(im)matérialité de l’univers. Oui on peut dire qu’il y a là une expérience philosophique simple. 

La poésie se renouvelle, renaît sans cesse. L’énergie du poème prend vraiment son sens par la marque qu’elle laisse dans la mémoire.

Il n’y a sans doute pas de plus belle leçon de poésie.

Jennifer Lavallé