Mon enfant

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De mon enfant
je connais chaque cheveu,
chaque centimètre de peau,
chaque sourire,
et chaque larme versée sur mon épaule
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De mon enfant
je connais ses rêves et ses cauchemars,
chaque révolte et chaque joie,
chaque colère, même la plus cachée
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De mon enfant
le jour où il grandira
et ne me dira plus grand-chose,
je connaîtrai tout.
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Par Iocasta Huppen

Image : Titre :
Enfant aux jouets : [estampe] ([1er état]) / Jean Emile Laboureur / Gallica

Vénus au ciel

Une averse a lavé le ciel. Il se fait tard.
Le creux de la vallée est couvert de brouillard ;
Mais sur les coteaux clairs luit au loin la feuillée,
Et le firmament mêle à la forêt mouillée
Des palpitations de clarté pâle. Amis,
L’heure est propice : allons, par les bois endormis,
Dans les champs, au-dessus de la prairie humide,
Voir Vénus qui se lève à l’horizon limpide !

Par Émile Blémont

Image : Et de là nous sortimes pour revoir les étoiles. : [estampe] ([Tiré à part]) / G. Doré ; Pisan / Gallica

J’ai parcouru la France pour toi !

Tu m’as demandé de te rejoindre à Vienvilles

J’ai pris le métro à Belleville

Et en partant de Quitteville

Je suis parti à Gonneville

 

J’ai traversé entièrement Longueville

J’ai fait l’aumône à Quetteville

J’ai cru te voir au coin d’Angleville

Je me suis dis oui à Hiesville

Mais je me suis perdu à Vasteville

 

Alors, j’ai pris une barque à Canoville

Je suis descendu au port d’Ancreville

J’étais sur l’autre rive à Hubertville

Il y avait un pécheur à Martinville

J’ai vu Jean-Louis à Auberville

J’ai fait du violon à Ingreville

J’ai fait un crochet par Destoursville

Je me suis dépêché à Magneville

Je suis monté à Hauteville

J’ai contourné Tourlaville

Il y avait une Guérilla à Armanville

J’étais à la moitié de la moitié à Carville

 

J’ai bu un café à Théville

Je n’avais plus d’amour à Hainneville

J’ai vu le père noël à Renneville

Et je me suis fait accoster à Dragueville

Je n’étais pas au bon endroit à Badeville

Je suis monté dans une charrette à Anneville

Je fredonnais du Sinatra à Franqueville

J’ai vu le Pape à Benoîtville

J’ai demandé mon chemin à Houesville

J’ai dormi dans un tipi à Siouville

Je me suis ravitaillé à Corbeauville

J’ai vu le magicien à Ozeville

On m’a traité de fou à Marteauville

On m’a jeté des cailloux à Pierreville

Et des pierres à Bricqueville

Il y avait une basse-cour à Fermanville

Des poules à Coqueville

Et j’ai mangé du fromage à Chèvreville

Il faisait trop lourd à Tonneville

J’ai eu soif à Secqueville

J’ai bu une bière à Barville

Et j’ai eu un renvoi à Roville

J’ai cru être arrivé à Bonneville

Mais ce n’était pas toi à Helleville

 

Alors j’ai fait le chemin inverse !

Par Pascal Ladhalle

 

Image : La Nimphe de la Tamise dépêchée à la recherche de l’amiral Anglois le trouve dans un éminent danger et par une invention jusqu’alors inconnue, le délivre de la poursuite de ses ennemis : [estampe] / Gallica

Un rêve de Socrate

Il a été dit, et répété, que Socrate n’a pas écrit.

Marcheur infatigable dans les rues d’Athènes, il pose ses questions
de philosophe, associant vivement l’autre à sa recherche.
En toute injustice, le voilà condamné à mort, par sa cité même.

Socrate dans sa prison choisit de se retrouver seul, en sa quête
ultime de vérité. Il n’est plus père, ni fils, ni époux. Il est seul pour écouter les dieux, seul
pour accueillir ses rêves, seul avec la nuit et ses messages.

Or pendant son sommeil, plusieurs fois, il est invité à s’intéresser à la
musique.

La musique? Qu’est-elle pour lui, l’homme dont le souci est le vrai,
par la parole vive?

Pour Socrate, d’évidence, c’est dans la poésie que la musique est
présente.

L’enfant qu’il fut se souvient des fables d’Ésope, porteuses
de tant de vérités humaines. Ne sont-ils pas frères en leur destin?
Il rend hommage à l’esclave, en traduisant en vers chantants
la juste prose du fabuliste.

Socrate a entendu la nuit et son message. Il est en paix.

Il va boire la ciguë.

Par Françoise Kerisel

Ce poème réflexif lui a été inspiré par la célèbre préface aux fables de Jean de La Fontaine dans laquelle ce dernier « évoque longuement, avec force, ce rendez-vous de Socrate avec l’écriture poétique, avec la muse, avec la nuit,
avec les rêves à entendre comme porteurs des messages essentiels, à déchiffrer.  »

Image : [Vignette, fumé pour l’illustration de : La Fontaine, Jean de, « Fables », « Testament expliqué par Esope »] : [estampe] ([Fumé]) / G. Doré

La guêpe et l’abeille

Dans le calice d’ une fleur
la guêpe un jour voyant l’ abeille,
s’ approche en l’ appelant sa sœur.
Ce nom sonne mal à l’ oreille
de l’ insecte plein de fierté,
qui lui répond : nous sœurs ! Ma mie,
depuis quand cette parenté ?
Mais c’ est depuis toute la vie,
lui dit la guêpe avec courroux :
considérez-moi, je vous prie :
j’ ai des ailes tout comme vous,
même taille, même corsage ;
et, s’ il vous en faut davantage,
nos dards sont aussi ressemblants.
Il est vrai, répliqua l’ abeille,
nous avons une arme pareille,
mais pour des emplois différents.
La vôtre sert votre insolence,
la mienne repousse l’ offense ;
vous provoquez, je me défends.

 

Fable de Florian

 

Image : Les bourdons : [aquarelle] : [dessin] / Jordic

L’ange-enfant

Ils poussent des clameurs et combattent, ils doutent et désespèrent, il n’y a point de fin à leurs querelles.

Que ta vie, mon enfant, apparaisse au milieu d’eux comme la flamme d’une lumière intense et pure et que, ravis, ils se taisent !

Ils sont cruels, avides et pleins d’envie, leurs paroles sont comme des poignards cachés, altérés de sang.

Va vers ces cœurs tourmentés, tiens-toi au milieu d’eux, mon enfant, que ton regard serein s’abaisse sur eux, comme la paix miséricordieuse des soirs descend sur le jour et met fin à ses luttes.

Qu’ils voient ton visage, mon enfant, et qu’ainsi ils comprennent le sens de toutes choses ; qu’ils t’aiment et qu’ainsi ils s’aiment l’un l’autre.

Viens prendre la place qui t’attend dans l’infini des choses, mon enfant. À l’aurore, ouvre ton cœur et élève-le comme une fleur qui s’épanouit ; au coucher du soleil, incline la tête et, dans le silence achève le jour et son adoration.

 

Par Rabîndranâth Tagore dans « La jeune lune »

Traduction par Henriette Mirabaud-Thorens
NRF, 

 

Image : [Représentation de la lune dans son plein] : [estampe] / [gravé par Jean Patigny]

Ecoute mon coeur

« Écoute, mon coeur…. » Le poème de Rabindranath Tagore,  traduit en français par Mme Hélène Du Pasquier, est devenu un morceau chanté et joué à la flûte sur une composition d’André Caplet… Où musique et poésie se rejoignent en chanson…
Soprano: Michèle Laporte. Flûte traversière: Pascal Le Bourdonnec. Enregistré dans l’église Saint-Vivien (Saintes) le 11 mars 1990.


 

Image :Rabindranathagor, poète hindou : [photographie de presse] / Agence Meurisse

Et pour en savoir plus sur Rabindranath Tagore (1861 – 1941), on peut réécouter cette émission de France Culture diffusée en 2012

Le petit Poisson et le Pêcheur

Petit poisson deviendra grand,
Pourvu que Dieu lui prête vie.
Mais le lâcher en attendant,
Je tiens pour moi que c’est folie ;
Car de le rattraper il n’est pas trop certain.
Un Carpeau qui n’était encore que fretin
Fut pris par un Pêcheur au bord d’une rivière.
Tout fait nombre, dit l’homme en voyant son butin ;
Voilà commencement de chère et de festin :
Mettons-le en notre gibecière.
Le pauvre Carpillon lui dit en sa manière :
Que ferez-vous de moi ? je ne saurais fournir
Au plus qu’une demi-bouchée ;
Laissez-moi Carpe devenir :
Je serai par vous repêchée.
Quelque gros Partisan m’achètera bien cher,
Au lieu qu’il vous en faut chercher
Peut-être encor cent de ma taille
Pour faire un plat. Quel plat ? croyez-moi ; rien qui vaille.
– Rien qui vaille ? Eh bien soit, repartit le Pêcheur ;
Poisson, mon bel ami, qui faites le Prêcheur,
Vous irez dans la poêle ; et vous avez beau dire,
Dès ce soir on vous fera frire.

Un tien vaut, ce dit-on, mieux que deux tu l’auras :
L’un est sûr, l’autre ne l’est pas.

 

Jean de La fontaine

Image : [Carpe] : [estampe] / [Masayoshi Kitao] / source : Gallica

Saute

La cour est grise
Le ciel est bleu

Saute mon ballon

Le pré est vert
Le ciel est bleu

Saute mon ballon

De la terre
Jusqu’au ciel

Saute mon ballon !

Par Nathalie Palayret

Image :[Enfants jouant à la balle] : [estampe] / Renoir / source : Gallica

Le coquelicot et le bleuet

Les seuls barbelés
qui devraient exister,
devraient être ceux des clôtures
dans lesquelles
s’accroche la laine des moutons
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Les seules tranchées
qui devraient exister,
devraient être celles creusées
par le temps, le vent et l’eau
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Les seuls cris
qui devraient se propager
à travers champs,
devraient être les cris de joie
des fêtes de village
.
Le coquelicot et le bleuet
nous rappellent chaque année
le sens que nous avons donné
aux barbelés, aux tranchées et aux cris,
ce sens qui devrait être celui
de notre plus grande vigilance.

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Le coquelicot (pour les pays du Commonwealth) et le bleuet (pour la France) sont les symboles de la mémoire et de la solidarité.
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 Par Iocasta Huppen

 

Image :[Coquelicots] : [estampe] / J [Prosper Alphonse Isaac] [monogr.] / Gallica