L’ange-enfant

Ils poussent des clameurs et combattent, ils doutent et désespèrent, il n’y a point de fin à leurs querelles.

Que ta vie, mon enfant, apparaisse au milieu d’eux comme la flamme d’une lumière intense et pure et que, ravis, ils se taisent !

Ils sont cruels, avides et pleins d’envie, leurs paroles sont comme des poignards cachés, altérés de sang.

Va vers ces cœurs tourmentés, tiens-toi au milieu d’eux, mon enfant, que ton regard serein s’abaisse sur eux, comme la paix miséricordieuse des soirs descend sur le jour et met fin à ses luttes.

Qu’ils voient ton visage, mon enfant, et qu’ainsi ils comprennent le sens de toutes choses ; qu’ils t’aiment et qu’ainsi ils s’aiment l’un l’autre.

Viens prendre la place qui t’attend dans l’infini des choses, mon enfant. À l’aurore, ouvre ton cœur et élève-le comme une fleur qui s’épanouit ; au coucher du soleil, incline la tête et, dans le silence achève le jour et son adoration.

 

Par Rabîndranâth Tagore dans « La jeune lune »

Traduction par Henriette Mirabaud-Thorens
NRF, 

 

Image : [Représentation de la lune dans son plein] : [estampe] / [gravé par Jean Patigny]