L’anniversaire du chat

Poème extrait de l’excellentissime Annibestiaire par le poète Philippe Mathy malicieusement illustré par Aline Claus

Quand c’est l’anniversaire d’un chat
Qu’il organise un thé dansant
Il y a beaucoup d’absents !

Car si l’on danse comme à l’opéra
Qui ne voit-on pas ?
Ce sont les petits rats !

Ne parlons pas des souris
Le temps peut être pourri
Elles préfèrent les voyages
Même si on offre du fromage

Quand c’est l’anniversaire d’un chat
Il se fait du mauvais sang
Il y a tant d’absents
Qu’on pourrait dire en arrivant
Il n’y a pas un chat !

Philippe Mathy

 

Et pour découvrir les anniversaires de la grenouille, du hérisson, de l’alouette, de la vache, de la coccinelle, du kangourou…. vous pouvez commander le livre en écrivant à Véronique : veroesprit@gmail.com

Editions « Le front aux vitres » 🙂

 

 

 

 

Bizarre blizzard

Bizarre blizzard

Dis Papa, tu ne trouves pas que le froid est encore plus froid,

le soleil plus haut, le soleil plus chaud ?

Tu ne trouves pas, Papa, que le monde a changé ?

La petite étoile, là-bas, regarde, elle a bougé !

Ne sens-tu pas, Papa, que le vent souffle vers d’autres rivages

et que les nuages ont changé de visages ?

Dis-moi, Papa, ne trouves-tu pas

que le monde aujourd’hui est un peu différent ?

et que la lune hier si douce

n’est plus tout à fait comme avant ?

Il me semblait encore hier, mais hier c’était il y à longtemps

qu’elle nous souriait parfois, de temps en temps…

Regarde, comme elle est loin ! Elle a l’air triste et froide

peut-être parce qu’elle aussi elle nous regarde et se dit :

Les pauvres, comme ils sont seuls !

Comme ils doivent avoir faim !

Comme ils ont l’air perdus sur leur bout de banquise qui dérive, qui dérive…

vers on ne sait où, jusqu’à on ne sait quand …

Dis-moi, Papa, crois-tu que nous,

les ours blancs, on survivra, à cette drôle de tempête,

à ce bizarre blizzard, qui tombe sur nos têtes ?

Un poème d’Aude Bernède

Illustration Gallica : Titre :  [Illustrations de Histoire naturelle des mammifères, t. II] / Wermer, Huet, Maréchal… [et al.], dess. ; C. de Lasteyrie, lithogr. ;

Etre un dinosaure

J’aurais bien aimé être un dinosaure pour toucher le ciel avec mes crêtes

Une fois morte, on m’aurait mise dans un musée

en petits morceaux

et les gens seraient passés devant en souriant

J’aurais bien ri, cachée derrière mes fragments

J’aurais croisé des gens d’une autre époque

des étudiants en médecine qui arborent des dents brillantes

des gamines qui traînent le pied

leurs frères un peu arrogants

J’aurais parfois soufflé un mot pour faire peur  »approche… »

et la grand-mère la plus digne serait devenue blanche en pressant fort son pouce sur son alliance

La nuit, le gardien m’aurait raconté l’histoire du premier Homo Sapiens

et l’histoire de la station aérospatiale européenne

et l’histoire du Covid 19

et l’histoire des fleurs

et j’aurais pleuré un peu en pensant à mes frères

et puis le gardien serait sorti pour ne plus jamais revenir

 

et avec tous les Homos Sapiens masqués

au milieu de mes os épars

j’aurais rêvé d’un nouveau monde

 

Un poème de Delphine Burnod

illustré par une image numérisée par Gallica Monde avant la création de l’homme : origines de la terre, origines de la vie, origines de l’humanité…

Les fables de La Fontaine au 21ème siècle

 

Premier épisode : le lièvre et la tortue

Si le fabuliste Jean de La Fontaine, dont le père était chargé de la surveillance des rivières et des forêts, était encore des nôtres, nous ne doutons pas qu’il prendrait la destruction de l’environnement dont nous sommes témoins en ce 21ème siècle comme sujet de ses réflexions.

La série « Les fables de La Fontaine, la suite » donne une suite contemporaine à certaines de ses fables qu’il avait lui-mêmes empruntées à Esope, en les adaptant aux préoccupations d’aujourd’hui.

Nous vous en souhaitons bonne lecture et invitons nos chers lecteurs et lectrices à nous tenir informé.e.s des réactions des enfants ou à leur faire inventer leurs propres suites de La Fontaine, pour stimuler leur créativité !

La fable est téléchargeable, cliquez ici pour ouvrir le .pdf

Les éditions Sonorité autorisent la diffusion de ces fables dans les cadres non commerciaux, en famille ou à l’école. N’hésitez pas à nous tenir informé.e.s, cela nous fera plaisir.

L’attribution est obligatoire.
Illustrations : Claude Biche
Adaptation : Jennifer Lavallé d’après la fable de La Fontaine

A bientôt pour l’épisode 2 : La cigale et la fourmi, la suite…
Sonorité éditions, février 2020

Quatre haïkus d’Adonis Brunet

L’ombre du corbeau
En passant sur la prairie
Effraie la souris

Le vieil hérisson
Cherche fortune à la nuit
Dans le poulailler

La mésange bleue
Sous le toit de la maison
Protège son nid

Sur le nénuphar
La grenouille endormie
Sieste méritée

Adonis Brunet

 

Images : [Vignette, fumé pour l’illustration de : La Fontaine, Jean de, « Fables », « Le Renard, les mouches et le hérisson »] : [estampe] ([Fumé]) / G. Doré ; L. Fournier / Source : Gallica

[Grenouilles, iris et nénuphars] : [estampe] / Ch. Houdard / Source : Gallica

Arachné

A travers ce texte, Françoise Kerisel nous rappelle que, d’Arachné à Louise Bourgeois, l’esprit « Me Too » et le désir de libération des femmes sont depuis bien longtemps au coeur de l’actualité.

Il est au monde deux familles peu réconciliables: d’abord celle qui s’attendrit sur l’araignée, cette Pénélope du monde animal, tissant, solitaire, sa toile fragile sans cesse recommencée.

Ainsi, dit Colette, Sido laissa certain matin une araignée glisser, sur son fil sécrété, jusqu’au chocolat de sa tasse.

Il est une autre espèce humaine que la minuscule créature n’attendrit pas. Elle lui donne de l’effroi car elle oeuvre dans l’ombre avec beaucoup trop de pattes noires… A en croire un  » Dico des rêves  » , l’araignée est une image maléfique, un piège, un porte-malheur, et c’est du chagrin dès le matin.

Rassemblons-nous plutôt à l’écoute du mythe grec.

Il était une fois, en Lydie, une jeune brodeuse qui travaillait si bien qu’on venait de très loin admirer ses toiles. Aussi elle s’autorisa un jour à défier Athéna, la déesse.

La meilleure tisseuse de l’Olympe accepta. Elle allait remettre l’orgueilleuse enfant à sa place. Rendez-vous pris.

Elles s’installent face à face devant leur métier. Ce sont les douze dieux, en majesté, avec tous leurs attributs, qu’Athéna brode avec éclat.

Arachné, elle, a un plan. A l’aiguille, elle veut dénoncer les manœuvres de séduction de Zeus, dont de simples mortelles, comme elle-même, ont été les victimes.

L’attaque de la belle Europe, de Léda, de Danaé, d’Alcmène, de Mnémosyne est révélée au grand jour!

L’insolente beauté de la toile d’Arachné fait suffoquer d’indignation la déesse. Pour la fille-même de Zeus c’en est trop. Ulcérée, elle frappe la petite de sa navette, déchire la toile sacrilège de haut en bas. La voilà bien punie, sur la place publique, la gagnante du pari.

Désespérée, la jeune fille va se pendre. Elle balance encore, quand la déesse la saisit et la soutient en l’air, le temps de la changer en araignée. Ainsi elle conservera sa belle passion de filer, et de faire de la toile un infini.

Depuis les brodeuses de la grande famille humaine ont pris Arachné comme symbole, nous réconciliant tous. Louise Bourgeois s’en souvient, et signe son appartenance à une famille d’habiles tisserands, par ses superbes créations arachnéennes.

Rêvez sans crainte d’araignée, et même, c’est écrit.

« Si l’araignée est rouge: amour passionné.

Si l’araignée est blanche: quête mystique »…

 
 

Image : Titre :  [L’Araignée] : [estampe] / Jean Veber / Source Gallica

L’araignée, la montre et les violonistes

L’araignée
Un corps
Un cœur
Huit pattes
Huit yeux
Sa toile
Et la peur autour d’elle

+++

Ma montre
M’aiguille
Me montre
Me démontre
Que je suis
Encore
En retard

+++

J’aime les violonistes
Qui tapent du pied
Tapent du pied

J’aime les violonistes
Qui aiment jouer
Aiment jouer

J’aime le violoniste
Qui s’accorde
Sa corde

J’aime le musicien
Qui vit au long
Vit au long

J’aime le musicien
Qui joue sous la pluie
Joue sous la pluie

J’aime celui qui joue
Quand il pleut des cordes
Pleut des cordes

Tape du pied
Musicien

Tape du pied
Va et vient

Tape du pied
Vit au loin

Par Jo Galetas

Image :[Les Gobbi]. [12], [Le joueur de violon] : [estampe] / [Jacques Callot] / GALLICA

 

La guêpe et l’abeille

Dans le calice d’ une fleur
la guêpe un jour voyant l’ abeille,
s’ approche en l’ appelant sa sœur.
Ce nom sonne mal à l’ oreille
de l’ insecte plein de fierté,
qui lui répond : nous sœurs ! Ma mie,
depuis quand cette parenté ?
Mais c’ est depuis toute la vie,
lui dit la guêpe avec courroux :
considérez-moi, je vous prie :
j’ ai des ailes tout comme vous,
même taille, même corsage ;
et, s’ il vous en faut davantage,
nos dards sont aussi ressemblants.
Il est vrai, répliqua l’ abeille,
nous avons une arme pareille,
mais pour des emplois différents.
La vôtre sert votre insolence,
la mienne repousse l’ offense ;
vous provoquez, je me défends.

 

Fable de Florian

 

Image : Les bourdons : [aquarelle] : [dessin] / Jordic

Le petit Poisson et le Pêcheur

Petit poisson deviendra grand,
Pourvu que Dieu lui prête vie.
Mais le lâcher en attendant,
Je tiens pour moi que c’est folie ;
Car de le rattraper il n’est pas trop certain.
Un Carpeau qui n’était encore que fretin
Fut pris par un Pêcheur au bord d’une rivière.
Tout fait nombre, dit l’homme en voyant son butin ;
Voilà commencement de chère et de festin :
Mettons-le en notre gibecière.
Le pauvre Carpillon lui dit en sa manière :
Que ferez-vous de moi ? je ne saurais fournir
Au plus qu’une demi-bouchée ;
Laissez-moi Carpe devenir :
Je serai par vous repêchée.
Quelque gros Partisan m’achètera bien cher,
Au lieu qu’il vous en faut chercher
Peut-être encor cent de ma taille
Pour faire un plat. Quel plat ? croyez-moi ; rien qui vaille.
– Rien qui vaille ? Eh bien soit, repartit le Pêcheur ;
Poisson, mon bel ami, qui faites le Prêcheur,
Vous irez dans la poêle ; et vous avez beau dire,
Dès ce soir on vous fera frire.

Un tien vaut, ce dit-on, mieux que deux tu l’auras :
L’un est sûr, l’autre ne l’est pas.

 

Jean de La fontaine

Image : [Carpe] : [estampe] / [Masayoshi Kitao] / source : Gallica

Ésope au pays des philosophes

Grande question.
Ésope a-t-il vraiment existé?
Certains disent que non : encore des bobards vieux de mille et mille ans.
Beaucoup pensent que, oui, Ésope était cet esclave au crâne tondu, qui habitait au pays des philosophes, dans l’île boisée de Samos,
six siècles av. J. C.
À quoi ressemblait-il?
Les uns disent qu’il était aussi petit que laid, d’autres qu’il était bossu,
et tous affirment qu’il bégayait, bégayait.
Alors qu’a-t-il fait pour qu’on en parle toujours?
On  assure qu’Ésope a gagné sa liberté, à force de conter le monde comme il le voyait, en des fables vives et vraies, qui faisaient rire petits et grands.
Aujourd’hui encore, les enfants s’amusent des histoires
qui vont du pot de terre au pot de fer, du chêne au roseau,
ou de la colombe à la fourmi,
comme Socrate en son temps.

                      *

Le voyageur et la vérité selon Ésope

Dans un endroit désert, Dame vérité, toute nue, sortit de son puits.
Un voyageur passait par là. Il reconnut, à sa tristesse, la femme
qui se tenait là.
– Dame de vérité, pourquoi avoir abandonné les hommes et notre cité?
– Autrefois on trouvait le mensonge chez quelques-uns.
Aujourd’hui il est partout, dans les villes et les campagnes,
et en toutes langues : on m’a chassée…
Le voyageur prit sa voix la plus douce.
– Madame, venez sous mon manteau, marchons un peu ensemble, parlons vrai.
   Mais en entendant ces mots, la Dame se laissa glisser à nouveau dans le puits d’Ésope.

 

Poème : Françoise Kérisel
Illustration :  [Jeu des fables d’Ésope] : [jeu de cartes, estampe] / Gallica