Bizarre blizzard

Bizarre blizzard

Dis Papa, tu ne trouves pas que le froid est encore plus froid,

le soleil plus haut, le soleil plus chaud ?

Tu ne trouves pas, Papa, que le monde a changé ?

La petite étoile, là-bas, regarde, elle a bougé !

Ne sens-tu pas, Papa, que le vent souffle vers d’autres rivages

et que les nuages ont changé de visages ?

Dis-moi, Papa, ne trouves-tu pas

que le monde aujourd’hui est un peu différent ?

et que la lune hier si douce

n’est plus tout à fait comme avant ?

Il me semblait encore hier, mais hier c’était il y à longtemps

qu’elle nous souriait parfois, de temps en temps…

Regarde, comme elle est loin ! Elle a l’air triste et froide

peut-être parce qu’elle aussi elle nous regarde et se dit :

Les pauvres, comme ils sont seuls !

Comme ils doivent avoir faim !

Comme ils ont l’air perdus sur leur bout de banquise qui dérive, qui dérive…

vers on ne sait où, jusqu’à on ne sait quand …

Dis-moi, Papa, crois-tu que nous,

les ours blancs, on survivra, à cette drôle de tempête,

à ce bizarre blizzard, qui tombe sur nos têtes ?

Un poème d’Aude Bernède

Illustration Gallica : Titre :  [Illustrations de Histoire naturelle des mammifères, t. II] / Wermer, Huet, Maréchal… [et al.], dess. ; C. de Lasteyrie, lithogr. ;

Etre un dinosaure

J’aurais bien aimé être un dinosaure pour toucher le ciel avec mes crêtes

Une fois morte, on m’aurait mise dans un musée

en petits morceaux

et les gens seraient passés devant en souriant

J’aurais bien ri, cachée derrière mes fragments

J’aurais croisé des gens d’une autre époque

des étudiants en médecine qui arborent des dents brillantes

des gamines qui traînent le pied

leurs frères un peu arrogants

J’aurais parfois soufflé un mot pour faire peur  »approche… »

et la grand-mère la plus digne serait devenue blanche en pressant fort son pouce sur son alliance

La nuit, le gardien m’aurait raconté l’histoire du premier Homo Sapiens

et l’histoire de la station aérospatiale européenne

et l’histoire du Covid 19

et l’histoire des fleurs

et j’aurais pleuré un peu en pensant à mes frères

et puis le gardien serait sorti pour ne plus jamais revenir

 

et avec tous les Homos Sapiens masqués

au milieu de mes os épars

j’aurais rêvé d’un nouveau monde

 

Un poème de Delphine Burnod

illustré par une image numérisée par Gallica Monde avant la création de l’homme : origines de la terre, origines de la vie, origines de l’humanité…