J’ai parcouru la France pour toi !

Tu m’as demandé de te rejoindre à Vienvilles

J’ai pris le métro à Belleville

Et en partant de Quitteville

Je suis parti à Gonneville

 

J’ai traversé entièrement Longueville

J’ai fait l’aumône à Quetteville

J’ai cru te voir au coin d’Angleville

Je me suis dis oui à Hiesville

Mais je me suis perdu à Vasteville

 

Alors, j’ai pris une barque à Canoville

Je suis descendu au port d’Ancreville

J’étais sur l’autre rive à Hubertville

Il y avait un pécheur à Martinville

J’ai vu Jean-Louis à Auberville

J’ai fait du violon à Ingreville

J’ai fait un crochet par Destoursville

Je me suis dépêché à Magneville

Je suis monté à Hauteville

J’ai contourné Tourlaville

Il y avait une Guérilla à Armanville

J’étais à la moitié de la moitié à Carville

 

J’ai bu un café à Théville

Je n’avais plus d’amour à Hainneville

J’ai vu le père noël à Renneville

Et je me suis fait accoster à Dragueville

Je n’étais pas au bon endroit à Badeville

Je suis monté dans une charrette à Anneville

Je fredonnais du Sinatra à Franqueville

J’ai vu le Pape à Benoîtville

J’ai demandé mon chemin à Houesville

J’ai dormi dans un tipi à Siouville

Je me suis ravitaillé à Corbeauville

J’ai vu le magicien à Ozeville

On m’a traité de fou à Marteauville

On m’a jeté des cailloux à Pierreville

Et des pierres à Bricqueville

Il y avait une basse-cour à Fermanville

Des poules à Coqueville

Et j’ai mangé du fromage à Chèvreville

Il faisait trop lourd à Tonneville

J’ai eu soif à Secqueville

J’ai bu une bière à Barville

Et j’ai eu un renvoi à Roville

J’ai cru être arrivé à Bonneville

Mais ce n’était pas toi à Helleville

 

Alors j’ai fait le chemin inverse !

Par Pascal Ladhalle

 

Image : La Nimphe de la Tamise dépêchée à la recherche de l’amiral Anglois le trouve dans un éminent danger et par une invention jusqu’alors inconnue, le délivre de la poursuite de ses ennemis : [estampe] / Gallica

Saute

La cour est grise
Le ciel est bleu

Saute mon ballon

Le pré est vert
Le ciel est bleu

Saute mon ballon

De la terre
Jusqu’au ciel

Saute mon ballon !

Par Nathalie Palayret

Image :[Enfants jouant à la balle] : [estampe] / Renoir / source : Gallica

Le coquelicot et le bleuet

Les seuls barbelés
qui devraient exister,
devraient être ceux des clôtures
dans lesquelles
s’accroche la laine des moutons
.
Les seules tranchées
qui devraient exister,
devraient être celles creusées
par le temps, le vent et l’eau
.
Les seuls cris
qui devraient se propager
à travers champs,
devraient être les cris de joie
des fêtes de village
.
Le coquelicot et le bleuet
nous rappellent chaque année
le sens que nous avons donné
aux barbelés, aux tranchées et aux cris,
ce sens qui devrait être celui
de notre plus grande vigilance.

.
Le coquelicot (pour les pays du Commonwealth) et le bleuet (pour la France) sont les symboles de la mémoire et de la solidarité.
.

 Par Iocasta Huppen

 

Image :[Coquelicots] : [estampe] / J [Prosper Alphonse Isaac] [monogr.] / Gallica

Ésope au pays des philosophes

Grande question.
Ésope a-t-il vraiment existé?
Certains disent que non : encore des bobards vieux de mille et mille ans.
Beaucoup pensent que, oui, Ésope était cet esclave au crâne tondu, qui habitait au pays des philosophes, dans l’île boisée de Samos,
six siècles av. J. C.
À quoi ressemblait-il?
Les uns disent qu’il était aussi petit que laid, d’autres qu’il était bossu,
et tous affirment qu’il bégayait, bégayait.
Alors qu’a-t-il fait pour qu’on en parle toujours?
On  assure qu’Ésope a gagné sa liberté, à force de conter le monde comme il le voyait, en des fables vives et vraies, qui faisaient rire petits et grands.
Aujourd’hui encore, les enfants s’amusent des histoires
qui vont du pot de terre au pot de fer, du chêne au roseau,
ou de la colombe à la fourmi,
comme Socrate en son temps.

                      *

Le voyageur et la vérité selon Ésope

Dans un endroit désert, Dame vérité, toute nue, sortit de son puits.
Un voyageur passait par là. Il reconnut, à sa tristesse, la femme
qui se tenait là.
– Dame de vérité, pourquoi avoir abandonné les hommes et notre cité?
– Autrefois on trouvait le mensonge chez quelques-uns.
Aujourd’hui il est partout, dans les villes et les campagnes,
et en toutes langues : on m’a chassée…
Le voyageur prit sa voix la plus douce.
– Madame, venez sous mon manteau, marchons un peu ensemble, parlons vrai.
   Mais en entendant ces mots, la Dame se laissa glisser à nouveau dans le puits d’Ésope.

 

Poème : Françoise Kérisel
Illustration :  [Jeu des fables d’Ésope] : [jeu de cartes, estampe] / Gallica

Espièglerie

Un mot que tu viens d’inventer
Glisse sous ta langue joyeuse,
ta langue de petit lutin…

Malin, le mot a roulé par terre
Il s’est enfui le long du tapis
en chuchotant
C’est un mot drôle, un mot espiègle
Il se cache dans un trou du mur

Dans une minute, tu l’auras oublié
Alors écris-le vite avec ton crayon…

Ecris-le vite avant que ne vienne l’oubli…

 

Jennifer Lavallé

 

Image : By Rabier (File:Rabier – Tintin-Lutin, 1898.djvu) [Public domain], via Wikimedia Commons

Ailleurs

La grande aiguille trotte sur le mur
Fée des secondes
Fée du Temps qui jamais ne s’arrête

Tandis que cuit le riz
Tandis que pousse le riz
Dans des ailleurs que tu imagines
Les graines
Les petites fées des champs dansent

 

Jennifer Lavallé

 

Image : Internet Archive Book Images

Carapace

Elle avait une carapace, cette petite fille-là.
Mais pas une carapace de tortue, une autre, toute transparente
et que personne n’avait remarquée.

 

Jennifer Lavallé

Image : Estampe de Berthe Morisot / Source : Gallica

La marée

Une vague se leva

Et resta immobile

Quelques instants

Dans le gris de ce ciel d’été

Le jour brilla sur elle

Retenue en l’air

Immobile

Empêchée de retomber

Par un remords soudain ?

Puis elle s’abattit

Et détruisit la première tour

L’enfant, voyant cela,

Tenta de reconstruire

Ce qui était détruit

Mais tandis qu’il peinait

Une nouvelle vague se leva

Et resta dressée en l’air

Quelques instants

Dans le gris de ce jour

L’enfant la regarda

Avec dépit

Pourtant

Elle s’abattit

Et détruisit la deuxième tour

L’enfant perdait la face

La première tour était à moitié reconstruite

Quand se leva une troisième vague

« Non, non… » disait l’enfant

Mais la vague s’abattit

Et détruisit les deux dernières tours.

L’enfant pleurait maintenant

Le château était en ruines

Le jour, presque fini…

On cria son prénom

Il fallait rentrer,

Partir, quitter la plage,

Faire comme si tout cela

N’était pas

Grave…

Jennifer Lavallé

 

Image : Enfants construisant un château de sable sur une plage / Gallica

Magie du rêve

Tu es sorcier
Tu l’as toujours été.

Tu aimes former rafales et tourbillons
Dans le cours ennuyeux du Temps
Tu es ce papillon qui virevolte dans le jardin étoilé
Cet oiseau qui s’envole vers la lune rousse

Tu es le héros, le barde, le magicien
Celui qui parle aux animaux
Aux arbres, aux étoiles mystérieuses
Ce nuage qui se transforme en pluie
Et rejoint la mer en furie

Tu es poète
Tu l’as toujours été

Taper avec des cailloux plats comme des silex
sur l’eau tourbillonnante du ruisseau
Ecrire sur le sable ou dans le vent

Jongler avec les mots et faire vibrer les sens
Sans dessus dessous
Courir, sauter, voler vers les nuages

A cheval sur un balai de ménage

Ta magie est sans limite

 

Jennifer Lavallé / Extrait de « Lits-cornes et grenouilles »

Image : Promenade dans le ciel, J-J. Grandville

Fourmis

Sur une page vierge de ton carnet,
de petites fourmis écrivent une histoire.

 

Les petites pattes avancent,

Formant des arabesques qui virevoltent
et se poursuivent les unes les autres

Au fil des phrases…

Connaissent-elles déjà la suite de l’histoire ?

Ou l’inventent-elles au fur et à mesure

De leur promenade ?

Jennifer Lavallé