Le mystère du Jabberwocky

Dans le conte « De l’autre côté du miroir » de Lewis Carroll, Alice découvre un poème resté célèbre depuis lors, un poème mystérieux imprimé à l’envers, le Jabberwocky.

 

YKCOWREBBAJ

sevot yhtils eht dna ,gillirb sawT‘

ebaw eht ni elbmig dna eryg diD

,sevogorob eht erew ysmim llA

.ebargtuo shtar emom eht dnA

 

Alice comprend tout de suite qu’il s’agit d’un livre à lire en face d’un miroir ! Et c’est ainsi que lui est révélé le texte énigmatique et monstrueux.

 

Twas brillig, and the slithy toves
Did gyre and gimble in the wabe;
All mimsy were the borogoves,
And the mome raths outgrabe.

“Beware the Jabberwock, my son!
The jaws that bite, the claws that catch!
Beware the Jubjub bird, and shun
The frumious Bandersnatch!”

He took his vorpal sword in hand:
Long time the manxome foe he sought—
So rested he by the Tumtum tree,
And stood awhile in thought.
And as in uffish thought he stood,
The Jabberwock, with eyes of flame,
Came whiffling through the tulgey wood,
And burbled as it came!

One, two! One, two! and through and through
The vorpal blade went snicker-snack!
He left it dead, and with its head
He went galumphing back.

“And hast thou slain the Jabberwock?
Come to my arms, my beamish boy!
O frabjous day! Callooh! Callay!”
He chortled in his joy.
Ce poème est un véritable défi pour les traducteurs et traductrices du monde entier car nombre de mots du poèmes sont des mots inventés ou plutôt déformés, comme nos visages le seraient dans des miroirs de foire.
 
Dans une conférence du 10 juin 1986 intitulée « Quand se figure la langue », Jacques Hassoun a très bien expliqué pourquoi : « Dans le cas du langage ordinaire, il est plus facile de traduire un texte, car à chaque mot ou expression de la langue de départ peut généralement correspondre un mot ou une expression de la langue d’arrivée. Dans un poème de ce type, par contre, beaucoup de “mots” ne véhiculent pas un sens ordinaire, mais sont là uniquement pour servir d’étincelles et allumer des symboles voisins. Mais ce qui est voisin dans une langue peut être lointain dans une autre. Ainsi, dans le cerveau d’un anglophone, le mot chortled (avant-dernière strophe) aura tendance à activer les symboles chuckled et snorted. Le verbe glouffait excite-t-il les symboles correspondants dans le cerveau d’un francophone ?  »
 
La traduction de ce poème est pour cette raison un exercice particulièrement prisé des traducteurs ou de professeurs qui le proposent à leurs étudiants.
 
Illustration du Jabberwock par John Tenniel.