Le parfum d’Aristée

C’est Place des fêtes, au stand des miels de Paris, que j’apprends ce qu’est, dans la langue des apiculteurs, le parfum d’Aristée : un tampon odorant à la propolis, miellé, à passer sur les parois d’une ruche désertée, pour attirer l’essaim.

On nous rappelle ici-même, devant la pyramide des bocaux, l’histoire du fils d’Apollon.

Quand vient au monde Aristée les nymphes, ses tantes, lui attribuent en cadeau de naissance le soin des abeilles, et un don nouveau : celui de leur créer des abris, de leur donner un toit. Ce seront les premières ruches à miel.

Dieux et hommes admirent ces petites maisons dont Aristée est l’architecte.

Il gagne l’amitié des abeilles aux miels colorés, et se sent de cette famille.

Un beau matin, la jeune Eurydice va sur leur chemin, seule.

Tel le bourdon, voilà qu’Aristée la poursuit à travers champ.

Elle court, et tombe à terre, piquée à mort par un serpent caché dans l’herbe haute.

L’Olympe châtie le coupable, en le privant de toutes ses abeilles.

Après un long périple de repentance, il va retrouver ses ruches.

Depuis, avec ses messagères, Aristée veille sur la paix entre ciel et terre.

Ruches écoulant
leur miel sur nos toits –
nul chant d’oiseau ne vieillit

La campagne, livrée sans merci aux coupables dictats de l’industrie agro-alimentaire, n’offre plus que des moquettes jaunes de colza, des tapis de luzerne, de tournesols qui s’étendent sans fin. Ni hommes ni bêtes dans les champs. Alors les abeilles se sont réfugiées à Paris, ou dans tant d’autres cités au monde.

Pour leur sauvegarde et la nôtre, d’autres combats sont à mener, en Europe et ailleurs. Aidons nos abeilles de toujours.

Parfum d’Aristée
ses bonbons au miel –
bleue la planète fragile

Françoise Kerisel

 

Image :abeilles : [ La tête et le thorax sont en or, les ailes sont incrustées de grenats. Au revers, une attache ] Source : Gallica