Un trou dans la page, album poétique

L’association Sonorité, éditrice de la revue en ligne « Chamboule-tout – Poésie pour les Enfants » est heureuse de vous annoncer la parution de son premier titre de livre « Un trou dans la page : Si les arbres pouvaient parler ». Membre de l’association L’autre Livre, l’association édite sans but lucratif.

Sur un récit de Jennifer Lavallé et des tableaux de Claude Biche, l’album « Un trou dans la page » emmène l’enfant loin de sa chambre, au coeur de la forêt primaire. Une histoire pour découvrir les merveilles de la nature….

Un financement participatif sur la plateforme Zeste a permis la publication de l’ouvrage en papier recyclé 170 grammes. En effet, l’association Sonorité souhaitait publier un livre d’images pour faire rêver les jeunes enfants (à partir de trois ans), et leur faire en même temps comprendre que c’est de la nature que nous tenons toutes les merveilles que nous pouvons voir et entendre. L’enfant tire, à travers un trou découvert au creux d’une page, sur le fil d’un récit fantastique, qui l’emmènera jusqu’à la découverte d’un secret à transmettre…

Notre souhait est d’éditer, dans la tradition des beaux livres d’images, un ouvrage que l’enfant aura envie de lire et de relire, qu’il ouvrira parfois seulement pour le plaisir des images, et qu’il aura envie de conserver. Un ouvrage à rebours du livre consommable, édité avec du papier respectueux de l’environnement et dans un format maniable par de petites mains. Un livre qui place la nature au cœur de ses préoccupations et éveille l’enfant au respect de la biodiversité.

Les images sont peintes à la main en techniques traditionnelles par Claude Biche, artiste peintre et photographe formée aux Beaux-Arts à Mons et Bruxelles (Belgique). Née en 1953, passionnée depuis toujours de jardins et de plantes, Claude Biche s’exprime par l’image, qui tient une place essentielle dans l’album, par l’expressivité des couleurs et des personnages. L’image raconte, autant que le texte.

Le récit est de Jennifer Lavallé, monteuse, documentaliste et autrice éditée dans des revues et recueils poétiques collectifs. Elle souhaite sensibiliser les enfants à l’urgence de la lutte contre l’extinction massive des animaux. Son souhait : donner la parole à la nature, en laissant une place au rêve et au merveilleux, afin de susciter l’espoir et le courage, plutôt que la désespérance…

L’ouvrage peut être commandé via Librest ou en librairie.

Les libraires et bibliothécaires peuvent également directement contacter l’association en envoyant un email à poesie@chambouletout.fr

L’ouvrage se prête bien à des rencontres autour de la thématique du papier (histoire, fabrication) et à la sensibilisation au respect de la nature.

Le livre

Le livre a des ailes

et des lettres de plumes
Libère-le !
Et que de main en main,
de caresse en caresse,
Il resplendisse !
Le livre est fait pour vivre au grand air
Tel la poussière
Devenue Baobab
Il a besoin d’être bu beaucoup et souvent
aimé beaucoup et souvent
Il pourra alors vivre
longtemps

 

Jennifer Lavallé

Uchronies éoliennes

La série des Uchronies éoliennes, réalisée par l’artiste belge Claude Biche sur une idée et des textes de Jennifer Lavallé, explore les chefs d’oeuvre de la peinture sur la base d’une interprétation uchronique de l’histoire. Et si, à l’heure de la révolution industrielle, les éoliennes avaient été tout à coup effacées des toiles de maîtres ? Et si la transition énergétique avait en réalité déjà eu lieu ? Comment les grands peintres de l’histoire auraient-ils peint ces paysages du passé peuplés d’éoliennes ? Les Uchronies éoliennes nous invitent à appréhender avec un regard décalé les paysages passés, présents et futurs.

L’uchronie éolienne « La Chute d’Icare » revisite un tableau de Pieter Brueghel l’Ancien (1525-1569), probablement une copie d’un original disparu, exposée au Musée royal d’art ancien à Bruxelles. Dans cette uchronie, Claude Biche intègre harmonieusement les éoliennes au paysage. Tout comme le soleil est une source d’énergie renouvelable, le vent est la force dont les éoliennes tirent parti. Les éoliennes s’accordent à la nature dont elles révèlent la toute puissance. Si Icare tombe et se noie, ainsi que nous le raconte un mythe ancien, c’est qu’il a cru braver les lois de la gravité et de la nature. Il plonge dans le vert émeraude profond de l’océan, sans que personne ne le remarque… Le paysan qui travaille la terre, lui, se concentre avec ardeur, sur sa tâche, sans le remarquer…

© Claude Biche – [Uchronies éoliennes] – 2016
Uchronie d’une oeuvre de Pieter Brueghel l’Ancien, « La Chute d’Icare » [Domaine Public], via Wikimedia Commons
L’uchronie éolienne Portrait de Simonetta Vespucci est un hommage à une jeune femme : bien que Génoise d’origine, Simonetta était célèbre dans la Florence de la Renaissance énérgétique. Le peintre a multiplié les symboles qui rendent la jeune femme intemporelle. Sa coiffure n’a aucun rapport avec la mode de l’époque. La profusion de perles dans ses cheveux symbolise son innocence. La représentation du serpent rappelle la mort prématurée de Simonetta, atteinte de tuberculose. Les éoliennes dans le paysages font écho aux bijoux dans la coiffure de Simonetta, sorte de collier au paysage, sur lequel soufflent des vents contraires.

Les Uchronies éoliennes nous invitent à appréhender avec un regard décalé les paysages passés, présents et futurs.

© Claude Biche – [Uchronies éoliennes] -2016
Licence Creative Commons
Uchronie d’une oeuvre de Pieri di Cosimo, « Portrait de Simonetta Vespucci  » [Domaine Public], via Wikimedia Commons

Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Pas de Modification 3.0 France
© Claude Biche – [Uchronies éoliennes] – 2016
Uchronie d’une oeuvre de Jacob Grimmer, « Hiver  » [Domaine Public], via Wikimedia Commons

Licence Creative Commons (CC BY-NC-ND 3.0 FR)
Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Pas de Modification 3.0 France

Sous-titre : « Hiver « 

Les arbres

Dans l’azur de l’avril, dans le gris de l’automne,
Les arbres ont un charme inquiet et mouvant

Le peuplier se ploie et se tord sous le vent
Pareil aux corps de femme où le désir frissonne.
Sa grâce a des langueurs de chair qui s’abandonne,
Son feuillage murmure et frémit en rêvant
Et s’incline, amoureux des roses du
Levant.

Le tremble porte au front une pâle couronne.
Vêtu de clair de lune et de reflets d’argent,
S’effile le bouleau dont l’ivoire changeant
Projette des pâleurs aux ombres incertaines.

Les tilleuls ont l’odeur des âpres cheveux bruns,
Et des acacias aux verdures lointaines
Tombe divinement la neige des parfums.

Renée Vivien

Image : Jaffa. Arbre [et homme debout] : [photographie] / Joseph Philibert Girault de Prangey / Source : Gallica / BNF

Des peintres et des phénix

« Les phares » de Charles Baudelaire

Rubens, fleuve d’oubli, jardin de la paresse,
Oreiller de chair fraîche où l’on ne peut aimer,
Mais où la vie afflue et s’agite sans cesse,
Comme l’air dans le ciel et la mer dans la mer ;

Léonard de Vinci, miroir profond et sombre,
Où des anges charmants, avec un doux souris
Tout chargé de mystère, apparaissent à l’ombre
Des glaciers et des pins qui ferment leur pays,

Rembrandt, triste hôpital tout rempli de murmures,
Et d’un grand crucifix décoré seulement,
Où la prière en pleurs s’exhale des ordures,
Et d’un rayon d’hiver traversé brusquement ;

Michel-Ange, lieu vague où l’on voit des Hercules
Se mêler à des Christs, et se lever tout droits
Des fantômes puissants qui dans les crépuscules
Déchirent leur suaire en étirant leurs doigts ;

Colères de boxeur, impudences de faune,
Toi qui sus ramasser la beauté des goujats,
Grand coeur gonflé d’orgueil, homme débile et jaune,
Puget, mélancolique empereur des forçats,

Watteau, ce carnaval où bien des coeurs illustres,
Comme des papillons, errent en flamboyant,
Décors frais et légers éclairés par des lustres
Qui versent la folie à ce bal tournoyant ;

Goya, cauchemar plein de choses inconnues,
De foetus qu’on fait cuire au milieu des sabbats,
De vieilles au miroir et d’enfants toutes nues,
Pour tenter les démons ajustant bien leurs bas ;

Delacroix, lac de sang hanté des mauvais anges,
Ombragé par un bois de sapins toujours vert,
Où, sous un ciel chagrin, des fanfares étranges
Passent, comme un soupir étouffé de Weber ;

Ces malédictions, ces blasphèmes, ces plaintes,
Ces extases, ces cris, ces pleurs, ces Te Deum,
Sont un écho redit par mille labyrinthes ;
C’est pour les coeurs mortels un divin opium !

C’est un cri répété par mille sentinelles,
Un ordre renvoyé par mille porte-voix ;
C’est un phare allumé sur mille citadelles,
Un appel de chasseurs perdus dans les grands bois !

Car c’est vraiment, Seigneur, le meilleur témoignage
Que nous puissions donner de notre dignité
Que cet ardent sanglot qui roule d’âge en âge
Et vient mourir au bord de votre éternité !

Image :

Titre :  La Belle feronnière (sic). année 1539. Auteur :  Léonard de Vinci (1452-1519). Peintre de l’oeuvre reproduite / Source : Gallica BNF


Au centre du cercle

Je t’aime de toutes les manières qui existent et de celles qui n’existent pas
Je t’aime tel un toro se rue, le front offert, sous la lame de lune, genou à terre, serment devant
Je t’aime comme le soleil berce la terre, de mille feux
Je t’aime tels dès l’aurore, les coquelicots révèlent fiers, le jade des prairies humides de Namibie
Je t’aime au centre du cercle, il s’étend infiniment
Je t’aime en un sourire, aussi sensible qu’indescriptible, aux papilles nacrées
Je t’aime comme une kermesse inédite, elle éveille la ville, les pas nocturnes
Je t’aime tel l’aigle pique, insensé, de la falaise vers l’océan déchaîné, le plus téméraire des oiseaux
Je t’aime comme une farandole de chérubins fanfaronnant sur leurs nuages, ceux qui louent suaves, grâce au ciel, la gaieté bariolée
Je t’aime comme une goutte tombe dans la main, picote et dessine un destin
Je t’aime comme un choix si simple, une évidence, l’eau pure, cet instant où l’on découvre, quête d’une vie, l’or alchimique d’un pissenlit
Je t’aime semblable à la mer, celle là même qui caresse, perpétuelle la grève, au chant des sirènes, au la des étoiles
Je t’aime, plus fort, plus grand, plus beau qu’aimer me parait possible

Jean Leznod, auteur parisien, met en mots la magie sur son blog http://www.magiedumot.com/

Image : L’Amour et la mort : détail des Grotesques / artiste anonyme francais du XVIe / Source : Gallica, Bibiothèque Nationale de France

Ode à Aphrodite, à Sapho et à Renée

Sappho est une poétesse grecque de l’Antiquité qui a vécu aux septième siècle et sixième siècles sur l’île grecque de Lesbos. Très célèbre durant l’Antiquité, son oeuvre ne subsiste plus qu’à l’état de fragments, les Papyri d’Oxyrhynque notamment. Et pourtant ces bribes sont aimés par nombre de poètes qui voient en Sapho une poétesse de l’amour éternel. Ainsi Renée Vivien qui a traduit son oeuvre au dix-neuvième siècle et qu’on nommait la Sapho 1900 !

Les voici qui s’adressent toutes deux à Aphrodite :

Toi dont le trône est d’arc-en-ciel,
immortelle Aphrodita,
fille de Zeus, tisseuse de ruses,
je te supplie de ne point dompter mon âme,
ô Vénérable, par les angoisses et les détresses.

Mais viens, si jamais, et plus d’une fois,
entendant ma voix, tu l’as écoutée, et,
quittant la maison de ton père, tu es venue,
ayant attelé ton char d’or.

Et c’était de beaux passereaux rapides
qui te conduisaient.
Autour de la terre sombre
ils battaient des ailes,
descendus du ciel à travers l’éther.

Ils arrivèrent aussitôt, et toi,
ô Bienheureuse, ayant souri de ton visage immortel,
tu me demandas ce qui m’était advenu,
et quelle faveur j’implorais,
et ce que je désirais le plus dans mon âme insensée.


« Quelle Persuasion veux-tu donc attirer vers ton amour ?
Qui te traite injustement, Psappha ?
Car celle qui te fuit promptement
te poursuivra, celle qui refuse tes présents
t’en offrira, celle qui ne t’aime pas
t’aimera promptement et même malgré elle. »

Viens vers moi encore maintenant,
et délivre-moi des cruels soucis,
et tout ce que mon coeur veut accomplir,
accomplis-le, et sois Toi-Même mon alliée.

Source des images : Gallica Sapho, Pho / Jacques-Louis David
Aphrodite : [estampe] / gypsographie Pierre Roche
– Sapho, Pho / Jacques-Louis David

Vous n’approcherez pas

Tout coule de partout
Phréatique et lourd
Et rejoint les fissures

Dans l’œil du héron
la distance
Dans l’envol la réponse
farouche

L’indompté s’élève sauvage

Chaque pas
Plomb et semelles
Révèle l’ombre

– Vous n’approcherez pas !

Un poème d’Eric Costan, un dimanche de janvier 2019

[Héron] : [estampe] / J [Prosper Alphonse Isaac] [monogr.] Source : Gallica

Poésie sur demande dans le métro parisien

« Donnez-moi votre thème, je vous écris un poème ». À la station Saint-Augustin, dans le métro parisien, la poétesse Laurence Vielle a écouté les voyageurs l’espace d’une journée, et retranscrit leurs pensées et humeurs du moment en poèmes écrits sur le vif.

Si

Si, l’un des plus beaux poèmes jamais écrits
Un poème à connaître par coeur
Ecrit par Rudyard Kipling en 1910
Publié par Rewards and Fairies
Réédité avec de magnifiques illustrations par les éditions Plume de Carotte

Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te remettre à rebâtir,
Ou perdre d’un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir ;

Si tu peux être amant sans être fou d’amour,
Si tu peux être fort sans cesser d’être tendre
Et, te sentant haï, sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre ;

Si tu peux supporter d’entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et d’entendre mentir sur toi leurs bouches folles
Sans mentir toi-même d’un seul mot ;

Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les rois
Et si tu peux aimer tous tes amis en frère
sans qu’aucun d’eux soit tout pour toi ;

Si tu sais méditer, observer et connaître
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur ;
Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,
Penser sans n’être qu’un penseur;

Si tu peux être dur sans jamais être en rage,
Si tu peux être brave et jamais imprudent,
Si tu sais être bon, si tu sais être sage
Sans être moral ni pédant ;

Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite
Et recevoir ces deux menteurs d’un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront,

Alors les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire
Seront à tout jamais tes esclaves soumis
Et, ce qui vaut mieux que les Rois et la Gloire,
Tu seras un homme, mon fils

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If you can keep your head when all about you,
Are losing theirs and blaming it on you,
If you can trust yourself when all men doubt you,
But make allowance for their doubting too;
If you can wait and not be tired by waiting,
Or being lied about, don’t deal in lies,
Or being hated, don’t give way to hating,
And yet don’t look too good or talk too wise:

If you can dream and not make dreams your master;
If you can think and not make thoughts your aim;
If you can meet with Triumph and Disaster
And treat those two impostors just the same;
If you can bear the words you’ve spoken
Twisted by knaves to make a trap for fools,
Or watch the things you gave your life to, broken,
And stoop and build ’em up with worn-out tools:

If you can make one heap of all your winnings
And risk it on one turn of pitch-and-toss,
And lose, and start again at your beginnings
And never breathe a word about your loss;
If you can force your heart and nerve and sinew
To serve your turn long after they are gone,
And so hold on when there is nothing in you
Except the Will which says to them: »Hold on! »

If you can talk with crowds and keep your virtue,
Or walk with Kings–nor lose the common touch,
If neither foes nor loving friends can hurt you,
If all men count with you, but none too much;
If you can fill the unforgiving minute
With sixty seconds worth of distance run,
Yours is the Earth and everything that’s in it,
And–which is more–you’ll be a man, my son!

Titre :
[Nature morte à l’ours en peluche] : [photographie] / [non identifié] – Gallica